Primaires PS : quand Hollande fait du Raymond Barre

Publié le par tutti 49

Primaires PS : quand Hollande fait du Raymond Barre ...   
 
      
 
Ce que propose François Hollande aux jeunes ressemble drôlement aux programmes de Raymond Barre et Jacques Chirac en 1977 et 1988. Pour s’en convaincre il suffit de lire quelques passages du livre de Philippe Askenazy, « Les décennies aveugles », qui retrace l’échec des dispositifs d’exonérations sur les embauches de jeunes salariés.

François Hollande propose d’exonérer de cotisations patronales l’embauche d’un jeune. Outre le fait que ce n’est pas très original, voici le bilan des expériences menées par la droite en la matière.

1977 : Raymond Barre lance les CDD subventionnés. Un dispositif généreux pour les patrons : il offre un an d’exonération totale des charges patronales pour l’embauche d’un jeune de 16 à 25 ans.
Presqu’une année s’écoule entre l’annonce du dispositif et sa mise en œuvre. Les patrons attendent sagement le jackpot des aides gouvernementales et bloquent toutes les embauches. A tel point que le taux de satisfaction du premier emploi tombe à 11% pour l’année 1977 selon l’INSEE.

Une fois le dispositif lancé, 230 000 embauches de salariés de moins de 25 ans sont exonérées de charges patronales. Transformés en produits de défiscalisation, les juniors sont renvoyés à l’ANPE dès la fin de leurs contrats d’un an. Résultat : les inscriptions des jeunes à l’ANPE pour cause de fin de CDD sont multipliées par 4 à la fin de l’année 1978. C’est un échec.

Dans le même temps, le gouvernement Barre subventionne 120 000 stages en entreprises subventionnés par l’Etat. Encore un échec : le taux de substitution d’emplois réels par des stages atteint 30% à 40%. Autrement dit, sur les 120 000 « stages Barre », on sait aujourd’hui que 50 000 étaient des emplois déguisés.

1986 : Jacques Chirac a la même idée que Raymond Barre, il exonère l’embauche de cotisations patronales pour l’embauche d’un jeune. C’est la ruée vers le jeune : 400 000 contrats jeunes sont signés en 8 mois. Au final, les jeunes embauchés ne profitent que d’une année de vache grasse.

Dès 1987, le gouvernement Chirac restreint les exonérations aux contrats d’apprentissage. Et l’embauche d’une jeunesse discount semble se faire au détriment des moins jeunes.

Entre 1986 et 1988, le nombre de chômeurs de plus de 25 ans, augmente de 200 000, passant de 1,4 millions à 1,6 millions (page 130). Au final, le taux de chômage global toutes classes d’âges confondues, passe de 9% en 1986 à 8,8% en 1988.

2012 : François Hollande exonère l’embauche des moins de 26 ans (politique fiction).

Le contrat d’avenir crée un coupe file qui permet aux jeunes de passer devant les plus de 25 ans. Les 24-25 ans qui ont quelques lignes sur leurs CV (stages, CDD) profitent le plus de ce dispositif, alors même qu’ils sont déjà opérationnels et compétents pour trouver un emploi non aidé.
Les plus pénalisés par ce dispositif seront les 26 / 30 ans mis en concurrence avec des salariés 30% moins chers.

2/ Au bout d’un moment, le dispositif est supprimé – officiellement restreint ou réajusté mais le résultat est le même : les jeunes retournent à l’ANPE (comme en 1978 et 1987)

3/ En ciblant le traitement du chômage par catégories (jeunes, femmes, chômeurs longue durée), Hollande fait du bruit pour la jeunesse mais révèle son impuissance à lutter contre le niveau global du chômage.

Conclusion : entre 1973 et 2002, 35 dispositifs différents ont été mis en œuvre pour lutter contre le chômage des jeunes. Or on sait que la part de recrutement de jeunes est étonnamment stable depuis les années 90 : elle représente 10% des embauches réalisées chaque année.

Et si le meilleur moyen de lutter contre le chômage des jeunes, c’était de lutter contre le chômage tout court ?
Les contrats exonérés permettront de réserver quelques places ‘jeunes’ sur le jeu de chaises musicales des offres d’emplois. Mais pour les chômeurs, la lutte des places sera toujours aussi serrée, fautes de chaises supplémentaires.


Les décennies aveugles, Emploi et croissance 1970 et 2010, Philippe Askenazy, Seuil, 2011.

Ce livre a l’avantage de dresser un bilan clair et précis de toutes les expériences menées en matière de lutte contre le chômage depuis 30 ans. Nous avons donc emprunté de nombreux chiffres et interprétations à l’auteur (page 68 à 88 sur les années Barre / page 120 à 130 sur les années Chirac).
Le 16 octobre 2011 par armand33

Publié dans Politique

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