214e semaine de Sarkofrance....

Publié le par tutti 49

 214ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy le candidat contre Nicolas le Monarque  

On savait qu'il se forçait, comme en 2007, à montrer combien il avait changé. Cette fois-ci, l'épreuve du pouvoir, et non quelques déchirements de vie intime avec son épouse Cécilia, auraient transformé l'agité autoritaire et susceptible en leader paisible et consensuel. Sarkozy déploie beaucoup d'effort pour nous convaincre. Les sondages s'obstinent à le donner perdant, qui peut prétendre déjà gagner, comme en 2002, un second tour sans avoir franchi le premier ?
 

Lundi, notre Monarque était sauvé. Dominique Strauss-Kahn reprenait le chemin du tribunal à New-York, pour 5 petites minutes devant un juge de la Cour Suprême, 5 petites minutes pour se déclarer « not guilty », mais 5 minutes qui mobilisèrent un incroyable dispositif médiatique, en direct, en France comme aux Etats-Unis : des "éditions spéciales » sur toutes les chaînes françaises" , y compris nationales ; des « envoyés spéciaux » qui n'ont finalement rien vu mais commentèrent beaucoup, de la couleur du costume de DSK au menu de son repas du midi. A Paris, Sarkozy se régalait. L'image d'une petite foule de femmes de ménages, pour l'essentiel noires ou hispaniques, réquisitionnées par le syndicat AFL-CIO, criant « Shame on You ! » à l'arrivée puis la sortie de l'ancien directeur général du FMI était une diversion absolue et inédite.

Mardi, Sarkozy choyait les ouvriers, il était dans la Nièvre, le fief de François Mitterrand. La couverture médiatique fut quasi-inexistante. Un journaliste-blogueur américain s'interroge sur les relations entre notre Monarque et le patron de la police new-yorkaise, source de nombreuses fuites. Sarkozy s'agace, Jacques Chirac publie le second tome de ses mémoires. Et il tacle lourdement son ancien fidèle-traître.

Mercredi, notre Monarque se préoccupait des handicapés. Incroyable ! 150 millions d'euros débloqués, un « effort sans précédent » 150 millions d'euros pour aider à l'accessibilité des handicapés dans les lieux ouverts au public et quelques recrutements supplémentaires d'auxiliaires pour assurer leur accueil dans le système scolaire. Les associations d'handicapés jugent l'effort... décevant.

Puis, jeudi en Charentes, le candidat Sarkozy promit d'ajouter 200 millions au Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, d'annuler 300 millions de taxe sur le foncier non bâti, et de reporter d'un an le remboursement des prêts consentis en 2009 aux éleveurs, le tout pour aider les agriculteurs frappés par la sécheresse. Quand on aime, on ne compte pas ! Il a même faussement joué au « tolérant », quand quelques-uns de ses militants UMP sifflèrent Ségolène Royal qui s'était imposée dans l'assistance.

Vendredi, Christine Lagarde, candidate à la tête du FMI, terminait sa campagne internationale par un voyage au Portugal. Cela fait 10 jours qu'elle ne gouverne plus son ministère de l'économie. La Cour de Justice de la République, saisie par le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, reporte sa décision d'enquêter sur l'abus d'autorité dont est soupçonnée Mme Lagarde dans le règlement arbitral du litige Crédit Lyonnais/Tapie. Mediapart révèle que Lagarde savait que l'un des trois arbitres nommés pour cette procédure avait eu des liens avec Bernard Tapie. Et l'on apprend aussi que la décision de recourir à l'arbitrage, plutôt que de laisser la justice suivre son cours, remontait en fait au prédécesseur de Mme Lagarde aux Finances. Un certain Jean-Louis Borloo, ancien avocat d'affaires de Bernard Tapie.


Côté conflit d'intérêt, ce n'est pas fini. On n'a pas encore tout dévoilé. Certaines cartouches se gardent pour la campagne.

Quoi qu'il en soit, voici encore une semaine que des vessies nous sont présentées pour des lanternes.

Sarkozy épargne sa parole, c'est la nouvelle image qu'il veut nous imposer depuis des mois. Moins agité, plus tolérant, presque « bi-partisan ». Il adore d'ailleurs le terme, « bi-partisan». Aux agriculteurs jeudi, il leur a dit que « leur souffrance n'était ni de gauche ni de droite. » Aux ouvriers nivernais d'une usine de fabrication de parquet rencontrés mardi, il a des formules aussi creuses que « nous sommes les héritiers d'une histoire qui ne nous appartient pas.» Il veut rester sérieux, réfléchi, apaisé et apaisant.

Sarkozy n'épargne pas sa parole. Il multiplie les apparitions publiques, laboure son terrain, invite à déjeuner quelque 300 députés UMP pour leur faire des « confidences » sur sa « sérénité », confidences dont il espère bien que ces 300 godillots seront autant de portes-paroles. Il joue au président au-dessus des partis pour mieux laisser son propre clan développer une ignoble polémique contre les minima sociaux en général et le RSA en particulier. Il joue au compassé, admiratif de « l'Ouvrier » (« il faut arrêter de dire du mal des usines ») et du « Paysan », mais s'énerve en coulisses contre la « stupidité » de vouloir taxer les oeuvres d'art à l'ISF.

Sarkozy « travaille ». Effectivement, si l'on excepte ses deux déplacements hebdomadaires, son agenda officiel est très allégé. Il est très occupé, non pas par le sort du pays ou les affaires de la France, mais par sa campagne pour 2012. Enervé par la candidature d'un Borloo, il multiplie les rendez-vous avec les soutiens de ce dernier. Aux députés ou sénateurs, il promet la mort politique s'ils s'obstinent, ou la carotte sous-ministérielle s'ils lâchent le félon. Le candidat

Il exige, publiquement, du sang-froid de tous, mais perd le sien quand il voit l'insistance de certains, y compris et surtout Nicolas Hulot, à brader l'héritage nucléairePersonne de censé ne peut penser que l'éolien et le solaire vont remplacer le nucléaire comme cela ! » , mardi lors d'une table ronde sur les ... PME). Le gouvernement déploie davantage de précautions contre le concombre tueur (qui a finalement été mis hors de cause) que sur l'atome !

Il perd encore le sien, jeudi soir, quand il décide d'appeler Martin Hirsch pour l'engueuler. Son ancien Haut Commissaire aux Solidarités Actives avait commis l'imprudence d'expliquer publiquement que le RSA coûtait finalement un milliard d'euros de moins que prévu, et que ce milliard servirait à alléger l'ISF. Sacrilège ! Le Monarque a tenu à expliquer que la réforme de l'ISF était « auto-financée » par la suppression du bouclier fiscal. On en doute, et pour cause : l'ISF sera allégé dès 2011. Le bouclier ne serait supprimé ... qu'en 2012.

Le double jeu est trop grossier. Sarkozy encourage, stimule, félicite quelques faux trublions de l'UMP qu'il a chargé de livrer les attaques les plus droitières, les provocations les plus grossières. Prenez ce pauvre Laurent Wauquiez. Il y a encore un an, il se proclamait « social », aujourd'hui il fustige ces « assistés » qui profitent de tout : indemnités, exonérations, gratuités.

Semaine après semaine, l'UMP dirigée, en façade, par Jean-François Copé, anime ainsi des « conventions », des « commissions », des « réunions » pour élaborer le projet du candidat. Le fruit de ses nombreux travaux est d'ailleurs étiqueté « projet 2012 » dans toutes les communications du parti élyséen. On devine donc que Nicolas Sarkozy, quand il officialisera sa candidature (qui ne fait de doute pour personne) sera tenu par ces engagements.

En fait, l'UMP était en bien en peine de trouver des sujets clivant. La lutte contre l'insécurité n'est plus un bon filon. Nicolas Sarkozy, en charge du sujet depuis bientôt 10 ans, a fait la preuve de son inefficacité. Il faut le répéter : les agressions aux personnes n'ont cessé de progresser - à l'exception de l'année électorale 2007. Et dans un récent sondage, 74% des Français interrogés estimaient que la délinquance s'est aggravée depuis un an. C'est désormais à gauche que l'on réclame davantage de policiers sur le terrain. Le maire de Sevran, ancien communiste rallié à Europe-Ecologie, a récemment demandé, en vain, une véritable « force d'interposition » dans sa commune. Quand l'UMP Eric Ciotti croit marquer des points en proposant un encadrement militaire des délinquants, il est applaudi par ... Ségolène Royal.

Le pouvoir d'achat est également une cause perdue. Le « travailler plus pour gagner plus » fut une gigantesque fumisterie idéologique. Plus de 6 millions de personnes sont en recherche d'emploi - complet ou partiel, inscrit ou non à pôle emploi. La Sarkofrance s'abrite derrière la crise la-plus-grave-depuis-les-dinosaures, pour mieux cacher que les efforts furent toujours portés par les mêmes. On réclame 100 milliards d'économies d'ici 2013, mais les niches fiscales n'ont été écornées que d'une douzaine de milliards. Sur l'emploi, enfin, Sarkozy avance prudemment, scrutant la reprise, et notamment celle des embauches depuis plus d'un an déjà.

Pour cliver et faire peur, car les deux vont souvent de pair, le candidat Sarkozy travaille deux nouveaux terrains quasi-magiques : d'abord, « l'immigration-danger ». Il a lancé l'opération l'été dernier, de « l'immigration=délinquance » du discours de Grenoble à la chasse aux Roms amalgamés à des Roumains. En janvier, il a exigé un débat sur l'Islam. Depuis, il laisse son fidèle Claude Guéant, dérouler les arguments frontistes un à un. Et son ministre excelle en la matière, comme Sarkozy l'a répété aux représentants de la Droite Populaire voici 10 jours. Vendredi 10 juin, Guéant a échappé à une enquête de la Cour de justice de la République, qui a décidé de classer sans suite la plainte déposée par SOS Racisme pour incitation à la discrimination raciale. Il a aussi prévenu qu'il durcirait les naturalisations par mariage, avançant un nouveau prétexte, le respect de l'égalité homme/femme au sein du couple candidat.

« L'assistanat » est le second dada du Monarque. Comme nous l'écrivions début mai, le Monarque a en fait clairement soutenu le dérapage surprenant et anachronique de Laurent Wauquiez sur le sujet. Samedi dernier, un long dossier provocateur du Figaro Magazine, rédigé par une journaliste par ailleurs épouse d'un patron d'une entreprise du CAC40, fustigeait « La France des assistés », ces « demandeurs d'emploi qui ne demandent plus grand-chose, sinon de rester chez eux devant la télévision. » Il fallait cliver les pauvres sans emploi contre les pauvres avec emploi. Et mardi, l'UMP organisait donc sa convention sur la justice sociale. Il fallait lire les propositions pour le croire. A l'heure du chômage toujours de masse par manque d'emploi, d'une envolée des petits boulots, d'un allègement de l'ISF pour « compenser » les plus riches qu'on leur supprime le bouclier fiscal, le clan sarkozyen, l'UMP se cherche des distractions...

Dans ce double jeu, il est des sujets où l'incompétence finit par percer. Ainsi, en politique étrangère, un domaine au coeur de la stratégie de présidentialisation du Monarque. La semaine fut mauvaise. En Libye, la situation militaire s'enlise. Des snipers terrorisent toujours les civils des villes rebelles. La France a envoyé ses hélicoptères de combats, rapidement pris pour cible par les soldats libyens. Un responsable de l'alliance a admis que la résolution 1973 autorisait l'OTAN à tuer Kadhafi Nicolas Sarkozy a finalement décidé de négocier, en coulisses, l'exil du dictateur et de sa famille vers un pays musulman non signataire des conventions d’extradition avec la Cour pénale internationale, afin de le protéger de toute poursuite pour crimes de guerre.

En Syrie, le boucher El-Assad, qui était encore, en décembre dernier, accompagné dans quelques musées par des officiels français à Paris, continue ses basses oeuvres de répression. A l'ONU, Alain Juppé est parti convaincre le Conseil de Sécurité de « protester » modestement. Ni la France, ni la Russie, et encore moins la Chine ne souhaitent aller trop loin contre l'autocrate sanguinaire syrien. Juppé, justement, s'est sèchement rabroué par Hillary Clinton quand il proposa une « initiative » française qui, grosso-modo, cherchait à surfer sur les déclarations de Barack Obama en faveur de la création rapide d'un Etat palestinien. En résumé, Nicolas Sarkozy avait imaginé organiser une grande conférence à Paris pour relancer les négociations entre Israël et les Palestiniens. La manoeuvre était facile !

Et que dire de la Françafrique ? Le Monde a mis la main sur quelques rapports de justice édifiants où l'on découvre combien les principaux dirigeants africains et leur famille, directement visés par des plaintes, en France, pour détournements de fonds publics, continuent allègrement de faire leur shopping de luxe. Notre Monarque, toujours Bling Bling, est toujours compréhensif en la matière.

Quelle semaine !

Alors, ami sarkozyste, es-tu serein, toi aussi ?

Rédigé par Juan Sarkofrance le Dimanche 12 Juin 2011 à 10:50

Publié dans sarko-out

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