Leçon du massacre norvégien

Publié le par tutti 49

par Sylvain Reboul (son site) lundi 25 juillet 2011 -  - Agoravox

Ce que nous savons aujourd'hui sur l'auteur avoué du massacre norvégien nous permet de faire quelques réflexions sur ce passage à l'acte terroriste de la haine fantasmatique entretenue et instrumentalisée par un certain discours populiste xénophobe.

Loin de moi l'idée que le parti populaire norvégien xénophobe soit à l'origine directe de passage à l'acte extrême commis par l'auteur de cet acte : il faut faire la part entre une discours électoral démagogique et la réalité d'un tel massacre qui renvoie certainement à un déséquilibre psycho-affectif profond de son auteur, semble-t-il, unique dans ce cas, bien que cette haine purificatrice et sacrificielle puisse et est de fait partagée par d'autres. Il n' y a donc pas de responsabilité juridique collective de la droite xénophobe dans ce passage à l'acte. Mais on ne peut pas ne pas s'interroger sur l'influence ambivalente , c'est à dire contradictoire, du discours xénophobe sur des personnalités déséquilibrées et/ou fanatiques.

D'un côté un tel discours de haine aveugle contre tous les musulmans au nom d'une identité ethique et/ou religieuse pure est dans le cadre formel de la démocratie en vue de la compétition électorale un moyen de capter et donc de détourner la violence raciste vers les conditions pacifiques de la compétition électorale. D'un autre côté il nourrit les fantasmes ethniques fanatiques et haineux d'un renversement de la démocratie pluraliste et tolérante universaliste au profit d'un régime plus ou moins formellement démocratique, mais communautariste, voire raciste. Ce qui est une contradiction absolue.

Cette contradiction affecte particulièrement le psychisme des individus fanatiques déséquilibrés qui succombent à ces fantasmes : il peuvent constater que les discours xénophobes sont sans effets suffisamment radicaux, au regard de leur fantasme de pureté ethnique, sur les décisions politiques des gouvernants, soit perçue que le populisme (la démocratie contre les droits de l'homme) ne parvient pas au pouvoir et reste minoritaire électoralement, soit qu'il participe avec d'autres forces de droite à un gouvernement qui se trouve incapable d'aller au bout de l'option xénophobe (dépoter voire éliminer les étrangers) dans un cadre démocratique, constitutionnel et/ou européen qui lui interdit une telle radicalisation dans la réalité.

Cet écart entre le fantasme et la réalité du discours et de la pratique de la xénophobie extrême devient insupportable au fanatique, car il menace directement la valeur qu'il donne à ces fantasmes qui lui collent à la peau, au point de s'y identifier, à savoir de faire sans distance possible du la valorisation absolue de ce fantasme de la pureté raciale et ethnique le fondement de la valeur qu'il s'attribue à ses yeux et à ceux des autres. Cette menace l'engage donc à briser le cadre de la démocratie formelle, toujours plus ou moins pacificateur et pluraliste (donc impur), par un acte de violence extrême, seul à même de se valoriser aux yeux de ceux auxquels il croit s'identifier, les nationalistes, et de faire de son acte hyper-violent assumé un acte héroïque, propre à servir d'exemple sacrificiel à tous ceux qui partagent sa xénophobie . Celle-ci, ne l'oublions pas, est une réaction compensatrice au sentiment de ne plus maitriser sa vie personnelle et collective en un monde ou sociétés complexes et ouverts. Elle est de ce fait la réaction passionnelle spontanée et séduisante d'une collectivité qui se vit comme tout à la fois impossible et impuissante. Impossible car impuissante.

C'est dire que les forces politiques qui s'emploient à faire un usage électoralement plus ou moins efficace des discours xénophobes ne savent pas, car elles ne veulent pas savoir, le risque extrême qu'elles prennent, tout en étant conscientes de leur incapacité à les mettre en pratique dans un cadre démocratique qu'elles refusent de renverser formellement. Leur responsabilité vis-à-vis de ce massacre est d'influence et n'est pas juridique, mais elle fait de leur irresponsabilité politique quant aux conséquences violentes de leurs mots d'ordre, une cause indirecte, mais indéniable, de leur responsabilité politique.

Publié dans Société

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